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Préparation d'un sol avant plantation

Décision d’arrachage

 

            Votre décision est prise ! Vous arracherez cette année la parcelle de Grenache située sous la maison. Cette décision doit être anticipée, et la plantation future doit être le fruit d’une importante réflexion. Elle doit en effet assurer une certaine production pendant plusieurs dizaines d’années : au vu des enjeux économiques, techniques et qualitatifs, la préparation de la parcelle est un passage clé essentiel. Il faut essayer d’appréhender les problèmes de la précédente culture, les solutionner et préparer le sol pour garantir un bon développement du plantier et assurer une production homogène, répondant à vos critères de qualité. Une plantation mal gérée peut avoir des conséquences techniques et économiques entrainant l’arrachage prématuré de la parcelle.

Nous ne pouvons que vous conseiller d’anticiper 3 ans à l’avance votre nouvelle plantation : c’est le temps nécessaire pour arracher la parcelle, analyser le sol, réaliser une fumure de fond, choisir le matériel végétal adapté et aménager la parcelle pour le plantier. 

 

Déterminer les caractéristiques de la parcelle

 

Ce qu’il faut éviter : arracher, défoncer la parcelle puis replanter un an plus tard. Ne pas avoir réfléchi au fonctionnement actuel du sol, à l’échelle de la parcelle et du bassin versant, aura pour conséquence la conservation des problèmes existants, amenant à la mauvaise productivité et viabilité de la vigne.

Vous devez réfléchir aux caractéristiques générales suivantes :

 

  • Caractéristiques climatiques générales : il est important de constater le rôle du climat sur le développement de la plante, la maturation du raisin, afin d’appréhender le réchauffement climatique et choisir un cépage adapté aux 40 années qui vont suivre
  • Localisation de la parcelle : l’exposition, la pente, le bassin versant (vigne située en bas de vallée, en coteaux, en terrain plat le long d’un cours d’eau…) vont influencer la maturation du raisin, le microclimat et également la stabilité du sol. L’environnement autour de la parcelle (forêt, haies, …) agit sur le sol et concurrence la vigne.

 

L’important ici, est de déterminer les facteurs climatiques, physiques et biologiques qui ont une influence positive ou négative sur la parcelle :

        -quel est l’ensoleillement ? la parcelle est-elle à l’ombre ? la parcelle est-elle sous l’action d’un vent fort ? les gelées sont-elles courantes ?

          -la pente entraine-t-elle une forte érosion ? y-a-t-il sur la parcelle un chemin préférentiel de l’eau ? quelle est la vitesse d’infiltration de l’eau après une averse ?

               

Etude du précédent cultural

 

Le passé cultural de la parcelle, connu ou inconnu, devra être pris en compte pour réussir la plantation à venir.

  • Dans le cas où le précédent cultural est une vigne, un verger ou un bois : prévoir un repos du sol de 3 ans, voire plus si la parcelle est connue pour développer des symptômes de court noué ou de pourridié. 7 ans sont conseillés dans le cas d’une parcelle affectée par le court noué, au moins 5 pour une parcelle touchée par le pourridié. Dans cette situation, l’enjeu est de supprimer le nématode responsable du court noué, et/ou le champignon responsable du pourridié. Ce temps de repos permettra également de gérer la végétation en place, détruire les friches et adventices, d’aménager la parcelle.
  • Dans les cas où le précédent cultural est une prairie ou une culture annuelle ou bisannuelle, le repos du sol devra être de deux ans minimum.

 

Observer le sol de la parcelle (à réaliser avant arrachage)

 

Première observation de surface 

L’observation des caractéristiques de la parcelle doit vous avoir permis d’observer le sol, au moins en surface. Avec le recul, si vous connaissez le précédent cultural, vous devez vous poser les questions suivantes :

      -la culture précédente était-elle moins fertile, moins vigoureuse à certains endroits ? Y avait-il des zones plus ou moins grandes où la végétation ne pousse pas ?

      -lors des pluies, où l’eau stagne-t-elle ? La présence d’une nappe est-elle possible ? quel est le chemin d’écoulement naturel de l’eau ?

      -la parcelle montre-t-elle des signes d’érosion (déchaussement des anciens cep, perte de volume de sol) ?

      -la charge en cailloux est-elle homogène ?

      -quelle est la population faunistique présente sur/dans le sol ?

 

Répondre à ces questions va vous permettre de découper la parcelle en différentes zones, marquées par des caractéristiques physiques différentes.

 

Réalisation d’un profil cultural

L’observation du sol en surface ne vous permettra pas de comprendre le fonctionnement du sol en profondeur, ni de connaître le volume de sol exploitable par les racines. Le profil de sol vous permettra d’observer les zones de compaction, les zones d’hydromorphie et la stratification de votre sol. Ces observations sont indispensables afin de préparer la parcelle pour obtenir un bon développement racinaire.

Pour réaliser un profil, réaliser un trou à la pelle mécanique, de minimum 0.75m de profondeur. Réaliser le dans une zone homogène de la parcelle (éviter les bords, les bordures de ruisseau, chemin…) et dans l’interrang s’il y a de la vigne. Il va vous permettre de :

      -déterminer le volume de sol exploitable par les racines en observant la profondeur à laquelle les racines se développent

      -déterminer les différents horizons et leurs caractéristiques : couleur, texture, structure, compacité, porosité (galerie de vers de terre), hydromorphie et état de décomposition de la matière organique.

      -observer de possibles traces d’hydromorphie

En fonction des différentes zones que vous avez déterminées précédemment, plusieurs études à la tarière peuvent compléter le profil.

 

Analyse physico-chimique du sol

Une analyse de sol est à faire en parallèle du profil. Après l’observation de surface de la parcelle, si elle semble homogène, une seule analyse de sol sera nécessaire (pour être plus précis et en fonction du profil de sol, il sera nécessaire de réaliser une analyse de sol de 0 à 30 cm de profondeur et une autre de 30 à 60 cm). Au contraire, si des zones très différentes sont observées, il est stratégique de réaliser une analyse de terre par zone. Cette analyse va vous permettre de connaître la texture et l’aération de votre sol, son statut acido-basique, ses propriétés organiques et biologiques ainsi que la réserve utile et les différents éléments fertilisants. C’est un point essentiel pour comprendre le fonctionnement du sol, prévoir les amendements à effectuer et piloter l’apport de fertilisants et oligo-éléments.

Il est important de réaliser l’analyse de sol avant le défoncement, 1 mois au moins après un épandage d’engrais, et 6 mois après un apport calcique. En cas de repos du sol long (7 ans), il est conseillé de refaire une analyse de sol au moins un an avant la plantation. Comme pour le profil, éviter d’échantillonner en bordure de parcelle ou de chemin.

Le prélèvement doit se faire sur sol ressuyé. Pour un prélèvement de 0 à 20 cm, prélever dans chacun des horizons identifiés lors du profil en effectuant plusieurs échantillonnages au moins 5 à 6 que vous mélangez dans un seau propre et dont vous prélevez 500g pour l’analyse).

 

Choix du matériel végétal

 

            A la suite des résultats précédents et en fonction de vos objectifs de production, vous pouvez dès à présent orienter le choix du porte greffe et du greffon. Cette partie, bien qu’importante, ne sera pas abordée ici. Bien évidemment, le choix du porte greffe est essentiel : c’est lui qui doit être choisi en fonction des caractéristiques du sol. Choisissez-le également suivant les caractéristiques de production, ainsi que la vigueur conférée au greffon.

 

Défoncement et fumure de fond

Après analyses et étude de votre parcelle, il vient le moment de l’arracher. Pour rappel, tout travail de la parcelle doit se faire sur sol ressuyé pour éviter la compaction. Des études ont montré que les travaux d’arrachage réalisés sur une parcelle encore humide entrainent une zone de compaction dans le sol : quel que soit le travail du sol réalisé une fois le plantier en place, ou l’enherbement choisi pour aérer et décompacter le sol, cette couche restera faiblement pénétrable. Le développement de la vigne sera donc limité pendant toute sa durée de production. Il est donc primordial d’effectuer les travaux d’avant plantation sur un sol parfaitement réessuyer pour ne pas empêcher le développement optimal de la nouvelle plantation.

La dévitalisation des souches est réalisée après les vendanges, elle se fait grâce à un herbicide systémique, en face par face avec des panneaux récupérateurs, en absence de vent. Ce traitement permet de détruire chimiquement le cep et le système racinaire. Il est conseillé de détruire par brulage les différents débris végétaux extraits. L’arrachage ne peut se prévoir qu’à partir du mois de février, la migration du produit étant nécessaire. Il est possible d’utiliser un outil muni d’un godet (mini pelle, mais chantier plutôt long), une arracheuse ou une pince. Un défoncement à la charrue va permettre de retirer un maximum de racine, c’est une étape clé pour minimiser le développement du court noué et du pourridié. Elle risque cependant de faire remonter des horizons infertiles en surface, ce qui va à l’encontre d’un bon développement du plantier. En fonction du profil de sol réaliser préalablement, il faut donc décider d’un labour plus ou moins profond (en cas de présence d’un horizon infertile), ou à 70 cm dans le cas d’un sol homogène.

Le défonçage, qui peut avoir lieu après arrachage et à la fin de l’hiver, permet d’intégrer la fumure de fond, décidée à la suite du profil, des analyses de sol et des objectifs produit. Elle s’apporte en automne et permet le bon développement des plants en améliorant les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Elle doit être raisonnée en fonction des objectifs de production et des analyses de sol.

Le moment du défonçage permet également le chaulage. Bien que de manière générale les sols de notre région sont basiques, n’oubliez pas de le vérifiez. Une correction est envisageable lorsque le pH passe en dessous de 6.6.

Dans le cas d’un précédent cultural qui est une prairie ou une culture annuelle, le défoncement n’est pas recommandé. Un sous solage est adéquat en cas d’horizon compact, suivi par un labour de 30 cm pour enfouir l’apport de la fumure de fond.

 

Avez-vous pensé au repos du sol ?

 

Après 40 ans de culture de vigne, il est important de prendre le temps de préparer la parcelle pour qu’elle puisse supporter durablement une nouvelle culture. Avec les observations faites préalablement, plusieurs caractéristiques de votre sol sont mises en avant :

      -taux de matière organique + ou – suffisant

      -présence d’une zone de compaction dans l’inter-rang, qui peut être dû au travail du sol

      -horizons + ou – compacts et pierreux, +ou – faible porosité

      -traces d’hydromorphie

      -manque biodiversité

      -présence antérieure de pourridié ou court-noué

Afin de favoriser le développement racinaire des futurs pieds de vigne, vous devez réfléchir aux points suivants : le sol doit avoir une structure aérée permettant le bon développement racinaire, les zones de compaction doivent être réduites, la concurrence hydrique doit être maîtrisée, les ressources organiques et minérales doivent être suffisantes. Toutes ces caractéristiques ne peuvent pas être modifiées sur un temps très court, la décompaction et le renouvellement de la matière organique prenant du temps. Par ailleurs, seul un repos du sol permettra de venir à bout du court-noué et pourridié.

Laisser un sol nu aura plusieurs conséquences :

                -minéralisation de la matière organique en surface uniquement

                -perte de matière organique par érosion (en fonction de la topographie de la parcelle)

                -gestion des adventices à prévoir

                -perte de biodiversité

Un sol cultivé apportera plusieurs avantages : réservoir de biodiversité, limitation de l’érosion, défonçage en douceur (permettant le futur développement racinaire de la vigne), gestion des adventices, apport de matière organique par destruction, favorise l’aération et ainsi l’activité microbienne (et donc la dégradation des anciennes racines), mise à disposition des nutriments, piège à nitrate et réduction des pertes par ruissellement ou lessivage.

Choix de la couverture végétale

 

Le choix de la couverture végétale dépend des observations faites au préalable, ainsi que des objectifs économiques que vous attendez sur cette parcelle. Pour un repos long du sol, il n’est pas rare de voir des vignerons de certaines régions viticoles alterner avec la culture de lavande par exemple.

Il peut être intéressant de combiner plusieurs espèces en mélange, pour multiplier les effets sur le sol. Les graminées ont un enracinement très vertical (où les racines peuvent atteindre deux mètres de profondeur), ce qui permet une bonne aération du sol. A l’inverse, les légumineuses ont un développement racinaire horizontal et ne vont pas aider à structurer le sol en profondeur, bien qu’elles permettent le piégeage de l’azote.

 

Penser la parcelle à l’échelle du bassin versant

 

Réfléchir la parcelle à l’échelle du bassin versant permet de comprendre les flux d’eau, de sol et les possibles conséquences que le climat peut avoir sur le sol. Les aménagements parcellaires doivent donc améliorer l’alimentation hydrique de la future plantation, limiter le ruissellement et par conséquent l’érosion.

Face à la stagnation d’eau après les pluies, il faut s’interroger sur la présence d’une nappe ou d’un horizon compacté qui ne permet pas l’infiltration de l’eau (si c’est le cas un sous solage profond sera nécessaire pour casser cette couche compacte sans modifier la distribution des horizons du sol). Les actions possibles sont : la création d’une pente permettant son écoulement, l’installation de canaux/fossés, enherber effectuer un sous solage.  En cas de forte pente, des drains doivent être installés et surtout entretenus pour éviter un fort ruissellement et la perte de sol. Si les drains ne suffisent pas, reconfigurer la parcelle en terrasse, préserver des haies et des banquettes enherbées pour intercepter l’eau. Privilégier l’enherbement des tournières et des abords de la parcelle. Enfin, améliorer la structure du sol par apport d’amendement permettra à long terme de limiter l’érosion.

Attention, les travaux de terrassement et de nivellement doivent être réfléchis puisqu’ils peuvent engendrer une modification de la répartition des horizons et de l’écoulement des eaux de pluie. Ils doivent évidemment être réalisés sur sol ressuyés.

 

Aménager le milieu pour optimiser la reprise des plants

 

A l’automne précédent la plantation, le travail du sol permet de créer un milieu favorable au développement racinaire du futur plantier. Vous devez détruire la culture en place, ce qui peut être fait par un labour peu profond (30 cm). Il peut vous permettre également d’enfouir un amendement.

Laisser le sol nu l’hiver permettra à la suite des épisodes de gel et de dégel de travailler une terre fine au printemps. Il sera juste nécessaire de griffonner avant plantation.  

 

Techniques de plantation

La chambre d’agriculture du Vaucluse a réalisé des essais sur les modalités de plantation de complants. Le but de cet essai était d’évaluer l’impact du développement racinaire entre une plantation :

      -de plants à racines coupées à ras (plantées à la main)

     -de plants à racines longues disposées en étoiles (plantées à la main)

      -de plants à racines longues avec les racines sur le côté (simulant ainsi la plantation à la machine et le développement des racines dans le sillon)

Ces plants ont été déterrés au bout de 4 ans, soit 40 plants par modalité. Il y a 15 morts parmi les plants à racines coupées, 1 mort parmi les plants à racine sur le côté et aucun mort pour les racines en étoile. Par ailleurs, la longueur des bois bien aouté est 28% plus importante sur les racines longues de côté que sur les plants sans racine, elle est 48% plus importante sur les plants dont les racines sont en étoiles que sur les plants dont les racines sont sur un côté. En conclusion, la longueur des racines lors de la plantation est un facteur clé qui va conditionner la survie du plant. La disposition des racines en étoile permet de prospecter un plus grand volume de sol, ce qui rend plus d’eau et d’éléments nutritifs disponibles pour la plante : ces plants ont une meilleure mise en réserve, un meilleur aoutement et un poids racinaire plus important. La plantation en étoile est donc à privilégier pour remplacer les pieds morts arrachés. Lors de la plantation d’une parcelle entière, il n’est évidemment pas possible de planter en étoile. Des essais sont en cours pour déterminer la longueur optimale des racines.

 

La plantation des plants traditionnels a lieu de février à fin mai. Le bourrelet de soudure doit dépasser de 4-5 cm du sol pour éviter l’affranchissement du pied. Il faut éviter les poches d’air autour des racines.

 

Bilan

Figure : les étapes de la préparation d’un sol (d’après Chambres d’agriculture (2018). Guide des Vignobles, viticulture raisonnée & biologique 2018/2019 : plantation de la vigne. Page 98)

                Préparer un sol à la plantation revient à garantir le bon développement de la vigne pour les 40 ans à venir. Vous devez toujours prendre en compte :

                - le tassement du sol

                - l’érosion

                - la disponibilité en éléments nutritifs et minéraux

                - la biodiversité

 

Références bibliographiques

 

BAILLY C., KOLLER R., THIOLLET-SCHOLTUS M. (2018). Impact des chantiers de plantation et des modes d’entretien des sols viticoles sur la structure des sols limoneux et le développement racinaire. Revue des œnologues n°169, pages 51-53.

BECART V. (2018). Favoriser la plantation avec les racines en étoile. Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône

Chambres d’agriculture (2018). Guide des Vignobles, viticulture raisonnée & biologique 2018/2019 : plantation de la vigne. Pages 98-102.

Chambre agriculture Hérault (2005). Différents systèmes de réparation du sol avant plantation-Bayssan.

Chambre d’agriculture Var (2014). Plantation de la vigne, bien la préparer.

COLLAUD G. (2014). Fertilité à long terme. UFA revue.

Groupe de travail régional Midi-Pyrénées (2002). Guide régional sur la plantation de vigne

IFV (2015). Les 12 règles d’or de la plantation d’une vigne

Les Vignerons de Servion (2006). Guide technique viticulture durable : fertiliser le sol avant la plantation.

WEILL A. Bien travailler son sol. CETAB.

Manon MORIN

Ingénieur agronome, oenologue

m.morin@laco-laboratoire.com

ROSISSEMENT OXYDATIF DES VINS BLANCS_PINKING

I.                  Le rosissement oxydatif des vins blancs, généralités

A.                Le pinking, … c’est quoi ?

Le pinking ou « rosissement oxydatif » est un défaut du vin blanc lié à l’évolution de la couleur vers le gris-rose. Une oxydation ménagée provoquée lors de mouvements de vins (pompage, filtration, stabilisation au froid ou mise en bouteille) est la cause principale du rosissement de vins blancs sensibles. On sait par ailleurs qu’un vin froid (température < 13°C) dissout plus volontiers l’oxygène. Une mauvaise maitrise de l’oxygène associée à une température de manipulation faible provoquera donc plus facilement cette déviation si le vin est sensible. Les maturités poussées et les faibles rendements augmentent la quantité de polyphénols des raisins et des vins.

Les observations montrent que les vins jeunes vinifiés et élevés en conditions réductrices sont souvent les plus sensibles.

On sait que les composés formés ne sont ni sensibles au SO2 ni sensibles à la variation de pH. Ils sont par contre sensibles à l’exposition à la lumière : le Traité d’œnologie Tome 1 précise ainsi que la couleur rosée disparait naturellement après quelques semaines. Les Procyanidines du vin, en présence d’oxygène se transforment en Anthocyanidols légèrement colorés. En phase réductrice, ces Procyanidines se dégradent lentement pour donner des Flavènes incolores. Malheureusement, ce défaut peut s’accompagner d’une évolution prématurée du vin et d’une perte aromatique.

B.                Tester le risque de rosissement de mon vin blanc, c’est possible

Il existe une méthode qui permet d’évaluer précocement le risque de rosissement d’un vin blanc. Ce test donnant un « Indice de rosissement » peut se faire dès la fermentation et permet ainsi d’envisager des collages précoces qui dénatureront moins le vin à venir. Ce test se réalise aussi sur les vins finis. Il consiste à mesurer la différence de densité optique à 500nm avant et 24  heures après ajout d’eau oxygénée à l’échantillon. Le résultat est exprimé en Indice de Rosissement (IR).

La mesure de l’« Indice de rosissement » donne :

A0 l’absorbance obtenue à 500 nm dans le vin sans ajout d’eau oxygénée et An celle obtenue à 500 nm dans le vin traité à l’eau oxygénée.

 

IR = (AnA0) *100

 

Le risque de rosissement existe si cet indice est supérieur à 5. Ainsi, plus le Δ DO500 est élevé plus le risque de rosissement est grand. Il est alors impératif de traiter le moût ou le vin.

Ce test, réalisé précocement sur les vins ou cépages habituellement sensibles permet de connaitre la fragilité du futur vin vis-à-vis de ce phénomène.

II.                  Mon vin blanc présente un IR élevé, que dois-je faire ?

A.                En vinification sur moût

Certains cépages sont plus sensibles à ce phénomène (Sauvignon, Viognier, Muscat, etc) et il convient de les traiter en connaissance de causes. LACO vous propose  une mesure de l’Indice de rosissement (IR) précoce qui permettra de gérer ce problème très tôt dans l’itinéraire technique. Votre œnologue en collaboration avec le vinificateur pourront alors décider d’opérations à mettre en place pour diminuer ce risque et/ou protéger le vin.

L’entrée des raisins blancs doit se faire en limitant au maximum les oxydations et macérations. Il est donc nécessaire d’être vigilants, de maitriser la température et de limiter les triturations des raisins.

Concernant le pressurage, le fractionnement des jus en fonction de leur charge en polyphénols permet d’en limiter la présence ou du moins de séparer les moûts les plus chargés. La mesure de la conductivité permet une séparation de ces jus puisqu’elle est corrélée à la charge en polyphénols.

Une autre technique consiste à utiliser le phénomène d’hyper oxydation qui vise à apporter de l’oxygène en saturation dans le moût et ainsi éliminer de façon très précoce la fraction de polyphénols sensibles à l’oxydation.

La littérature et les sites spécialisés préconisent l’utilisation précoce de fortes doses de PVPP (autour de 100 g/hl) associée à l’emploie de bentonite. Ces traitements peuvent permettre de diminuer le risque de « rosissement oxydatif », mais restent controversés et des essais en laboratoire sont le meilleur moyen de tester leur efficacité.  

Le phénomène de « rosissement oxydatif » fait donc intervenir les polyphénols présents dans les moûts et vins blancs. Ainsi, en vinification, dès les premières phases de traitement des raisins, l’objectif est de diminuer le potentiel d’oxydabilité des jus et donc de protéger, séparer et traiter les moûts sensibles.

La mesure de l’IR précoce et l’expérience de chaque vinificateur permet de connaitre la sensibilité de chaque moût. Le traitement dès les phases de fermentation permet d’éliminer plus efficacement les éléments sources de ce rosissement et de ne pas faire subir au seul vin fini, les traitements indispensables à la stabilité du produit final. La PVPP aux doses maximales, les protéines de pois, les charbons et les caséines sont des « outils » qui nous permettent très tôt de commencer à traiter le problème. LACO réalise des essais de collage permettant d’adapter les traitements au plus juste (nature du traitement et  la quantité adapté à chaque cépage en fonction de l’IR mesuré).

B.                En élevage

Il est reconnu que l’élevage sur lies diminue la sensibilité des vins blancs au « rosissement oxydatif ».  L’élevage sur lies totales en barriques permet de diminuer l’indice de polyphénols totaux et de ce fait limite la proportion de polyphénols oxydables responsables de ce rosissement.

La sensibilité d’un vin au rosissement n’évolue pas lors d’un élevage sur lies fines. L’effet des lies totales est donc un élément majeur du traitement des vins dont l’indice de rosissement est élevé.

Les traitements classiques PVPP, protéines de pois, bentonite, etc., sont toujours possible mais leur impact aromatique sera certainement plus important avec une efficacité relative.

C.                Sur vin fini avant la mise

Le collage à la caséine présente très peu d’effet sur la baisse de l’Imais peut s’avérer efficace pour éliminer les  polyphénols. Selon ce que l’on peut lire sur le site du Vinnopôle, « une étude espagnole (Lamuela-Raventos et al. 2001) a montré que des doses élevées de PVPP (100 g/hl) permettaient de réduire la sensibilité des vins blancs au pinking de 74% ». Nous remarquons en pratique qu’au-delà de la difficulté de traiter un vin à cette dose, les effets d’un tel collage ne sont pas systématiques et doivent de plus être effectués très tôt et donc plutôt en vinification pour voir de bons résultats. La PVPP est de plus interdite pour les vinifications de vins Bio (CE n°203-2012). A ce propos, le traité d’œnologie indique que le traitement à la PVPP « ne s’avère pas capable de diminuer significativement la sensibilité au rosissement » (Traité d’œnologie Tome 1). Reste, pour traiter un vin fini, l’ajout d’acide Ascorbique à 45 mg/l qui semble le seul traitement préventif efficace. Il est évident que l’ajout d’acide ascorbique associé à une sensibilité du vin au « rosissement oxydatif » nécessite des précautions toutes particulières vis-à-vis de l’oxygène et de l’emploi du SO2. Le vin traité devra donc être protégé de l’oxygène et sulfité à 25 mg/l de SO2 libre minimum suivant le vin. La mise devra être parfaitement contrôlée avec une dissolution d’oxygène minimale. LACO réalise des audits oxygènes qui permettent d’évaluer l’oxygène apporté lors d’une mise.

III.               Conclusion

Le « rosissement oxydatif » de vins blanc appelé aussi Pinking est un problème de plus en plus rencontré. Le réchauffement climatique et la sensibilité de certains cépages souvent poussés dans leur maturité nous oblige à traiter de nombreux vins.

 

LACO, à travers son expertise et son expérience permet aux vinificateurs d’apprécier le risque qu’encours le moût ou le vin face à ce problème en mesurant l’IR. Cette mesure associée à l’historique des parcelles permet d’adapter très tôt l’itinéraire technique. En effet, peu de solutions sont possibles pour traiter le problème de manière curative, une fois la couleur rosée apparue.

 

LACO met à profit son expérience, ses moyens techniques et scientifiques pour accompagner les vinificateurs dont certains vins blancs présentent cette altération.

                                                                                   Antoine Douziech

                                                                                   Œnologue

                                                                                   Port : 06 24 00 26 13

                                                                                   Email : a.douziech@laco-laboratoire.com

Préparation des vins à la mise en bouteilles

« Le piège » est d’oublier de tenir des délais, que nécessite chaque opération et ainsi de précipiter la préparation du vin.

Le calendrier des opérations démarre 8 semaines avant le conditionnement. Vous trouverez ci-dessous un exemple de planning dans la première partie de l’article ; la sélection de certains mots clefs en caractères gras est détaillée dans la deuxième partie de l’article.

   

    

Martin HALLOPEAU

Œnologue

Port : 06 86 58 05 82

E mail : m.hallopeau@laco-laboratoire.com

 

Impact des techniques de clarification sur la charge microbiologique des vins

Cette étude concerne des vins rouges et rosés essentiellement du millésime 2018, soutirés après fermentation malolactique. Ces vins ont été prélevés avant et après traitement dans des domaines et des caves coopératives situés dans le Sud Drôme - Nord Vaucluse. Les volumes des cuves considérées vont de 150 à 6500 hectolitres.

1) Choix de la méthode d’analyse

Les techniques d’analyses microbiologiques ainsi que les connaissances sur les micro-organismes ont grandement évolué ces dernières années.

Il est désormais connu que toute population de micro-organismes est composée de trois sous-populations dont l’état physiologique est différent. Au sein d’une population on distingue ainsi des cellules mortes, des cellules vivantes et des Cellules Viables non Cultivables (VNC). Si les états morts ou vivants sont simples à comprendre, l’état VNC mérite d’être expliqué. Il s’agit d’une réponse du micro-organisme à un stress. Le SO2, par exemple est un facteur de stress. Ce stress va induire une baisse de vitalité chez le micro-organisme, empêchant sa croissance sur les milieux de culture en boite de Petri. Ce stress peut être tel qu’il va aboutir à la mort de micro-organisme mais dans certains cas, une fois le facteur stressant disparu, le micro-organisme peut revenir à un état physiologique vivant et retrouver l’intégralité de son potentiel de croissance.

La connaissance de ces différents états a permis le développement de nouvelles techniques d’analyse aptes à détecter et dénombrer les micro-organismes selon leur état physiologique mais a également permis de mieux connaître les forces et faiblesses des techniques actuelles (Tableau 1).

Tableau 1 : Comparaison des techniques de numération des micro-organismes en fonction de leur état physiologique.

Tableau 1

Il est donc nécessaire de disposer d’une technique rapide, pour plus de réactivité, et permettant l’évaluation juste et précise du risque, en prenant en compte les micro-organismes en états vivant et VNC. Les cellules mortes ne présentent plus de risque pour le vin. Les deux techniques appropriées sont donc les numérations par épifluorescence et par vPCR. La vPCR est une technique qui a déjà été présentée dans l’article suivant : Brettanomyces : déterminer le risque réel par une nouvelle méthode d’analyse fiable, rapide et efficace, la vPCR

La vPCR n’ayant pour l’instant été développée que pour le suivi des populations de Brettanomyces, notre choix s‘est porté sur la technique d’épifluorescence, capable de détecter les populations de levures et bactéries, sans distinction de genre/espèce. La boîte de Petri, technique la plus largement répandue à l’heure actuelle, ne permet pas une totale évaluation du risque puisque ne dénombrant pas les cellules en état VNC. Ainsi l’épifluorescence dénombre en moyenne 800 fois plus de levures et 400 fois plus de bactéries que la boîte de Petri.

L’épifluorescence consiste à additionner une molécule fluorescente à un échantillon de vin. Cette molécule ne va rentrer que dans les cellules viables (vivantes ou VNC). Les micro-organismes devenus fluorescents sont alors comptables avec un microscope adapté (Figure 1).

Figure 1

Figure 1 : Photographie de micro-organismes marqués en épifluorescence.

2) Efficacité microbiologique comparée des techniques de clarification

Les résultats de cette étude sont présentés sous forme de facteurs de réduction. Cette valeur est établie en comparant les populations avant et après traitement. Concrètement, un facteur de réduction de 10 signifie une division par 10 des populations, un facteur de réduction de 10000 signifie une division par 10000, etc.

2.1) Micro-filtration tangentielle

La technique de micro-filtration tangentielle a mis du temps à s’implanter dans le milieu du vin, mais elle est désormais largement répandue et reconnue pour son efficacité. Une vingtaine de comparaisons ont été réalisées sur des vins filtrés en caves coopératives et par prestation au domaine. Les filtres employés sont des filtres organiques et céramiques. Pour une meilleure compréhension, les résultats sont présentés sans distinction du type de filtre, car d’après nos essais, cela n’influe pas sur l’efficacité de filtration.

Tableau 2 : Facteurs de réduction microbienne par micro-filtration tangentielle

Tableau 2

L’amplitude des valeurs est très importante, autant sur les populations de levures que de bactéries. Dans certains la population est très peu réduite, avec une division des populations par 6 à 8, alors que dans d’autres cas l’efficacité est très importante avec une division des populations par 40000 à 60000.

Ces amplitudes sont parfois relevées au sein d’une même cave, indiquant alors une efficacité différente selon la cuve filtrée. Les réductions supérieures à 40000 ont été relevées autant sur des vins filtrés sur membrane céramique que sur membrane organique. Le type de filtre n’est donc pas une explication des différences mesurées. Plusieurs paramètres en revanche sont à prendre en compte : la charge microbiologique initiale peut avoir une influence sur l’efficacité de filtration, mais surtout, une hygiène insuffisante en sortie de filtration peut provoquer des recontaminations.

Ces résultats montrent que l’analyse apporte beaucoup de renseignements sur la charge microbiologique effective. Souvent pratiquée à l’aveugle, c’est-à-dire sans analyse microbiologique à l’appui, la micro-filtration tangentielle peut parfois s’avérer insuffisante pour réduire de façon significative les populations de micro-organismes. Par exemple, si la charge microbiologique est supérieure à 100000 levures ou bactéries/mL, il restera tout de même une faible population après filtration. En connaissant précisément la charge microbiologique avant et/ou après filtration par analyse, il est possible de savoir si la réduction de population est suffisante ou s’il est nécessaire de procéder à une seconde filtration.

2.2) Centrifugation

Cette technique est plutôt réservée aux caves coopératives qui sont souvent équipés de centrifugeuses. 15 vins ont ici été analysés et comparés.

Là encore, de grandes disparités existent selon les caves et les cuves. La technique peut être très efficace sur les levures, avec une division des populations par plus de 100000, mais le sera beaucoup moins sur les bactéries (Tableau 3).

Tableau 3 : Facteurs de réduction microbienne par centrifugation

Tableau 3

La centrifugation est souvent utilisée en clarification précoce et cet objectif est parfaitement atteignable au vu des résultats obtenus. L’impact sur les bactéries reste faible du fait du principe de la technique : étant basée sur la gravité, seules les levures, environ 10 fois plus grosses que les bactéries sont correctement éliminées.

2.3) Filtration sur plaque

Nos essais nous ont permis de comparer 4 porosités différentes pour une dizaine de vins filtrés. Il est intéressant de comparer les résultats en fonction de la porosité des plaques (Figure 2).

figure 2

Figure 2 : Facteurs de réduction microbienne en fonction de la porosité.

Comme attendu, l’efficacité de filtration décroît lorsque la taille des pores augmente. Quelques nuances peuvent toutefois être apportées. Dans cet essai, l’élimination des levures s’est avérée aussi efficace à 0,65 µm qu’à 3,6 µm. Les facteurs de réduction chutent drastiquement à 4µm. Concernant les bactéries, on a presque une décroissance linéaire en fonction de la taille des pores. Mais nous avons mesuré une meilleure réduction à 1,2 µm qu’à 0,65 µm. Ce résultat vient illustrer que l’efficacité de la filtration plaque ne peut se résumer à une simple taille de pores. La conduite de la filtration a également un impact très fort. Le fait de limiter la pression permet d’optimiser l’efficacité de filtration : cela explique qu’il est possible d’atteindre de très bons facteurs de réduction des bactéries à 1,2 µm. L’inconvénient est que la filtration sera parfois beaucoup plus lente, cela étant lié à la faible pression.

2.4) Collage

Trois gélatines différentes ont été employées pour une vingtaine de comparaisons différentes. L’efficacité est variable sur les levures (Tableau 4), mais dans tous les cas, nous n’avons pas noté de réduction notable des populations bactériennes. Deux des gélatines divisent les populations de levures par des valeurs proches de 1000. Une telle réduction constitue une aide précieuse pour atteindre un vin pauvre en micro-organismes et ainsi maximiser l’efficacité d’une filtration avant mise.

Tableau 4 : Facteurs de réduction microbienne par collage à la gélatine

Tableau 4

Conclusion

LACO s’est donné les moyens pour proposer des méthodes d’analyse au plus juste du risque réel. L’épifluorescence permet ainsi de quantifier en 24H les levures et bactéries vivantes ou en état VNC. Cette technique est donc particulièrement adaptée à la quantification de la charge microbienne après toute technique de clarification, et ce, particulièrement avant mise en bouteilles. Embouteiller des micro-organismes pouvant avoir des conséquences fâcheuses, connaître les populations avant mise et/ou après filtration est une information précieuse et très complémentaire des résultats d’analyses œnologiques. Par exemple, en cas de population microbienne élevée avant mise, une étape supplémentaire de filtration permettra d’éviter l’apparition de troubles ou dépôts en bouteilles.

Les différentes techniques de clarification ont des efficacités différentes. La micro-filtration tangentielle peut donner d’excellents résultats en terme de réduction des populations microbiennes, mais l’hygiène en sortie de filtration est capitale. Cette remarque est d’ailleurs vraie quelle que soit le type de méthode de clarification. La centrifugation est surtout efficace sur les populations de levures, réservant cette technique aux vins en sortie de vinification. La filtration sur plaque peut être d’une grande efficacité. Le choix de la porosité est déterminant, tout autant que la conduite de la filtration. Enfin le collage peut se montrer un excellent moyen pour réduire les populations, même si dans notre essai, ce sont surtout les populations de levures qui sont impactées.

Enfin, cet essai met en évidence la complémentarité de ces différentes techniques de clarification. Si certaines comme la centrifugation sont réservées à un usage particulier, d’autres comme la micro-filtration tangentielle ou la filtration sur plaques peuvent être très polyvalentes sous réserve de bien connaître leur potentiel et leur limite. Il faut ainsi être strict sur les conditions d’hygiène après filtration pour bénéficier de sa pleine efficacité en évitant les recontaminations après filtration. Et une filtration plaque à 4 µm ne sera que dégrossissante et ne pourra atteindre la même efficacité qu’une filtration à 0,65 µm ou 1,2 µm.

Laurent MASSINI

Microbiologiste

E mail : l.massini@laco-laboratoire.com

Etiquette LACO

Brettanomyces : déterminer le risque réel par une nouvelle méthode d’analyse fiable, rapide et efficace, la vPCR

Brettanomyces, diagnostiquée pour la première fois dans la vallée du Rhône au début des années 2000, pose toujours d’importants problèmes, occasionnant souvent des coûts de traitement importants pour s’en débarrasser. Il est donc nécessaire de disposer de résultats les plus fiables possibles, pour éviter tout sur-traitement et ainsi limiter les coûts.

Dans la presse spécialisée, se sont succédés ces dernières années de nombreux articles dénigrant les méthodes actuelles de quantification de Brettanomyces, mettant en avant leurs faiblesses. Ainsi, la qPCR (Quantitative Polymerase Chain Reaction), largement utilisée depuis 2005, s’est vue reprocher de doser aussi les cellules mortes. La culture sur boîte de Petri (7 jours) ne permet pas de quantifier les cellules en état VNC (viable non cultivable). Dans ce contexte, des méthodes telles que la cytométrie en flux ont émergé. Très mise en avant depuis quelques années, cette technique, bien que très séduisante car rapide, n’est pas le meilleur outil pour quantifier Brettanomyces. Cette technique n’est pas spécifique : il s’agit d’une quantification précise, mais sans distinction de genre ou espèce. Cette technique a été décrite comme spécifique, or, il s’agit d’un simple postulat de départ : il est considéré que si le prélèvement est réalisé en élevage, il ne reste à ce stade que les Brettanomyces. Malheureusement, si souvent les Brettanomyces sont majoritaires à ce stade, les Saccharomyces sont loin d’avoir disparu, avec une forte variabilité selon les domaines. Des kits sont ensuite apparus sur le marché pour rendre spécifique cette analyse par cytométrie. Le principe était prometteur, mais les résultats ont montré les grandes limites de la méthode.

Fort de ce constat, en tant que laboratoire au service des vignerons de la région, il nous fallait disposer d’une méthode rapide, la plus objective possible et surtout, au plus proche du risque réel. Il a été décidé de s’appuyer sur les forces (rapidité, spécificité, répétabilité) de notre méthode actuelle par qPCR et de la faire évoluer. En effet, la qPCR mesure l’ADN, donc les cellules mortes peuvent réagir (cf Le Vigneron des Côtes du Rhône N°874 : Brettanomyces : bien choisir son analyse pour évaluer le risque). Il est souvent considéré que les mortes dénombrées dans ce cas, sont les mortes récentes (depuis quelques semaines). LACO s’est orienté vers la vPCR (Viability Polymerase Chain Reaction) qui est une évolution de la qPCR. Cette technique consiste en un prétraitement d’échantillon, qui va bloquer l’ADN des cellules mortes, qui ne pourra tout simplement plus réagir par PCR. Ne sont alors détectées que les cellules vivantes ou en état VNC. Cette technique de blocage d’ADN existe depuis les années 2000, mais n’avait pas encore trouvé sa place en œnologie.


Des essais ont été menés au LACO pour valider cette technique en comparant trois modalités : la qPCR, la vPCR et la boîte de Petri, en tant que technique de référence. La qPCR donne systématiquement des résultats plus élevés, en moyenne 40% plus élevés que la boîte et 32% que la vPCR.

Les résultats peuvent être classés en trois catégories :

  • En vert, Les résultats positifs en vPCR mais négatifs par culture sur boîte de Petri : il s’agit dans ce cas des cellules en état VNC. Elles n’ont pas les ressources suffisantes pour croître sur boîte, mais gardent toujours une certaine viabilité, détectée par la méthode vPCR.
  • En jaune, les résultats positifs par vPCR et par culture, mais dont les valeurs sont systématiquement plus élevées par vPCR que par culture sur boîte de Petri. Il s’agit de populations mixtes, comportant à la fois des cellules viables, donc détectées aussi bien par culture que par vPCR et des cellules VNC détectées uniquement par vPCR.
  • En bleu, les résultats positifs et comparables par culture et par vPCR. Les populations dans ce cas sont viables et ne comportent pas de VNC : la vPCR et la culture donnent des résultats similaires, comme l’attestent la pente et le coefficient de corrélation. Dans le cas présent, il existe une bonne corrélation entre ces deux techniques attestant que la vPCR ne mesure bien que les Brettanomyces vivantes, ainsi que les VNC.

Au LACO, nous disposons donc dorénavant avec la vPCR d’une méthode rapide (analyse en 24H) et fiable, qui permet de détecter autant les cellules viables de Brettanomyces, que les cellules en état VNC. Les cellules mortes ne sont pas prises en compte.


Une application possible est le suivi physiologique des populations de Brettanomyces après un sulfitage. Le SO2 va induire un stress important, voire une mortalité de Brettanomyces.

 

A partir d’un échantillon de vin fortement contaminé par Brettanomyces, deux niveaux de sulfitage sont appliqués : 0,35 mg/L de SO2 actif (environ 18 mg/L de SO2 libre), considéré comme une couverture minimale et 0,8 mg/L de SO2 actif (environ 40 mg/L de SO2 libre), considéré comme la couverture maximale. Les deux vins sont analysés selon les trois méthodes : vPCR, qPCR et numération sur boîte de Petri.

On remarquera que les valeurs par qPCR sont stables, attestant que cette méthode surestime le résultat en dosant les cellules mortes, durant 50 jours dans le cadre de notre essai. Les valeurs de cellules viables et cultivables (numération en UFC/mL) sont faibles et sous-estiment le risque réel du fait du stress lié au sulfitage et donc du passage en VNC d’un grand nombre de cellules. Les valeurs données par la méthode vPCR représentent les populations viables et VNC. Le résultat est logiquement intermédiaire par rapport à la qPCR et la numération.

Cet essai de sulfitage montre que la couverture en SO2 permet de réguler des populations de Brettanomyces. 0,35 mg/L de SO2 actif sont insuffisants pour assurer une protection : en quinze jours, les populations remontent à un niveau problématique. 0,8 mg/L de SO2 actif assurent une bonne protection, mais de nombreuses Brettanomyces VNC restent présents. Le SO2 à dose suffisante est donc un moyen efficace pour contenir Brettanomyces.

En conclusion, la vPCR est réellement une méthode innovante. Rapide (24H), elle permet une juste évaluation du risque Brettanomyces, en écartant les mortes pour ne doser que les vivantes et VNC. LACO met d’ores et déjà cette méthode à disposition des professionnels soucieux de maîtriser ce risque en toute objectivité. Nous prévoyons maintenant de faire également évoluer nos méthodes actuelles de qPCR levures et bactéries vers la vPCR.