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Le suivi microbiologique des fermentations
Etapes préfermentaires
En vinification conventionnelle, le recours au sulfitage permet de réguler et limiter l’ensemble des micro-organismes du vin qui disposent, dès les premiers stades de la vie du vin, des conditions nécessaires à leur développement : milieu liquide sucré, température favorable. Naturellement, la levure Saccharomyces cerevisiae va finir par s’imposer, du fait de son taux de croissance important, de sa consommation rapide de sucre et de sa production d’alcool. Saccharomyces possède une forte résistance à l’alcool alors que les autres espèces de levures ont une résistance moindre.
Le levurage est une façon de réguler naturellement le milieu. Les levures, ainsi apportées massivement, vont saturer le moût rapidement et limiter la croissance des autres micro-organismes. Encore faut-il que ce levurage soit réalisé dans de bonnes conditions. Le risque d’échec peut être important si la préparation du levain n’est pas optimale. La température et le temps de réhydratation des LSA (Levures Sèches Actives) doivent être conformes aux préconisations du fabricant. Dans le cas contraire, cela se traduit par une mortalité, parfois importante des levures. Or, en période de vendanges, il est fréquent d’oublier un levain en cours de réhydratation, de ne pas avoir le temps de contrôler la température de réhydratation, ou de transférer son levain en cuve quelques heures trop tôt ou trop tard, etc.
Quid des vinifications sans soufre ?
Mais une tendance croissante est le recours à des vinifications sans SO2 et sans levurage. Dans ce cas, il convient d’être vigilant sur la qualité microbiologique du moût. L’absence de SO2 va empêcher ce tri des micro-organismes décrit précédemment. Car même si la diversité de micro-organismes présents peut constituer un apport bénéfique au niveau aromatique, elle comporte également son lot de risques. A ce stade, des levures d’altération, comme Brettanomyces, ou des bactéries lactiques peuvent proliférer et concurrencer Saccharomyces cerevisiae. Le bon déroulement de la fermentation alcoolique va dépendre alors de l’équilibre microbiologique qui s’est instauré dès cette phase préfermentaire.
L’emploi d’un levain est une réponse intéressante en terme de maitrise de la microbiologie du moût. Ce levain, fabriqué avec les raisins du domaine quelques jours avant les vendanges et contrôlé, permettra d’assurer un démarrage rapide des fermentations. Le contrôle du levain consiste à vérifier le bon équilibre microbiologique. Une méthode d’analyse telle que l’épifluorescence permettra de vérifier que les levures possèdent une bonne viabilité et constituent la population majoritaire. Il arrive dans certains cas que les populations de bactéries soient supérieures à celles de levures. Grâce à la détection précoce permise par l’épifluorescence, un tel levain sera écarté pour éviter une fermentation malolactique sous marc. L’absence de levures du genre Brettanomyces peut également être contrôlée par PCR quantitative. Le LACO est en mesure de déterminer les populations de levures du genre Brettanomyces à toutes les étapes, y compris sur moût en pleine fermentation alcoolique. Ces vérifications, qui ne prennent que quelques heures, sont une garantie de ne pas aborder les fermentations avec un gros risque de déviation microbiologique.
Arrêt de Fermentation
En cas de ralentissement voire d’arrêt de fermentation, il convient d’être réactif. Une analyse microbiologique peut se révéler précieuse à ce stade. Il faut recourir à des analyses rapides. Par la technique d’épifluorescence, le LACO détermine, en quelques heures, les populations de levures et de bactéries. Si la population bactérienne est importante, une mise au propre sera nécessaire avant tout ensemencement avec une levure de reprise de fermentation ou un pied de cuve.
Cette étape doit être réalisée avec précaution, en respectant le protocole fourni par votre œnologue. Dans ce cas, comme pour les étapes précédentes, le respect des conditions de température est primordial pour garantir la revivification et l’implantation du levain. Cette température est idéalement de 30°C pour la réhydratation de levures et dans tous les cas (pied de cure ou levures du commerce), il faut éviter tout choc thermique. Un écart de température de 5°C peut être létal dans le cas de micro-organismes comme les levures.
Les différentes techniques de suivi microbiologique du LACO
Epifluorescence
Cette méthode est relativement simple, mais requiert l’expérience du microbiologiste pour une numération précise. Elle consiste à réaliser un marquage des micro-organismes viables puis de les compter par observation au microscope. Pour ce marquage, une molécule fluorescente est utilisée, ayant la particularité de pénétrer les cellules par transport actif. Cela signifie que seules les cellules vivantes peuvent être marquées, les mortes ne pouvant pas incorporer la molécule fluorescente.
Cette réaction est rapide et prend environ 30 minutes. Les micro-organismes sont ensuite révélés grâce à un microscope à épifluorescence (…). Il suffit alors de les compter. Le microscope ayant été étalonné, le comptage est ramené à l’unité de volume pour fournir une numération par mL.
qPCR
La qPCR (quantitative Polymerase Chain Reaction) est une technique basée sur la quantification de l’ADN d’un micro-organisme cible au sein d’un échantillon.
Tous les micro-organismes de l’échantillon sont récupérés par centrifugation. Les cellules vont ensuite être lysées pour libérer leur ADN. Cet ADN sera ensuite purifié pour la réaction d’amplification.
La réaction d’amplification consiste à faire réagir cet ADN avec une amorce, c’est-à-dire une séquence d’ADN spécifique du micro-organisme cible, au moyen d’une enzyme, l’ADN polymérase et de nucléotides, molécules constituantes de l’ADN. Couplé à cette amorce, une molécule fluorescente nommée fluorochrome, dégagera un signal lumineux quantifié en temps réel par l’appareil dans lequel se déroule toute la réaction.
En résumé, plus la quantité d’ADN est importante et plus le signal lumineux est important et rapidement détecté.
Cette technique est d’une grande précision car basée sur l’ADN, spécifique du micro-organisme cible. Cela permet de quantifier les différentes espèces de micro-organismes présents dans un échantillon.
Tout type de micro-organisme peut être quantifié par cette méthode, sous réserve de disposer de la séquence cible. Il est ainsi possible de quantifier toute la microflore du vin : les levures des genres Saccharomyces ou Brettanomyces, les bactéries lactiques des genres Lactobacillus, Pediococcus et Oenococcus, les bactéries acétiques des genres Acetobacter ou Gluconobacter.
Il convient pour chaque analyse de respecter les préconisations de prélèvement pour garantir un résultat représentatif de la contamination.
Le point sur Brettanomyces
Brettanomyces, comme l’ensemble des micro-organismes du vin, est présent dès la vigne, en quantités variables selon les parcelles et le millésime. Il représente un vrai risque dès les étapes de fermentation, particulièrement en condition de surmaturité, de macération pré-fermentaire, de température élevée, de SO2 faible à nul. Le cumul de ces paramètres doit inciter à être vigilant car ce micro-organisme produit des phénols volatils, molécules odorantes communiquant au vin des odeurs animales. Le vin perd alors sa dominante fruitée au profit de ces notes désagréables. Le stade entre les fermentations alcoolique et malolactique est très sensible car le vin, non protégé par le SO2, est exposé à Brettanomyces.
Envisager des contrôles de population réguliers, particulièrement si la FML tarde à démarrer, peut s’avérer judicieux. Ensuite, en élevage, les meilleurs facteurs de protection sont une température faible et un SO2 élevé. Le revêtement des cuves peut également avoir une grande in fluence sur le maintien d’une contamination Brettanomyces dans une cave. Ainsi des cuves cloquées sont un facteur de risque supplémentaire. De la même façon les contenants bois peuvent être vecteurs de contamination : on sait que les micro-organismes peuvent pénétrer jusqu’à presque un centimètre de profondeur dans les douelles.
Le meilleur atout vis-à-vis de Brettanomyces reste donc la prévention.
Brettanomyces ne peut être détecté avec précision par épifluorescence, le marquage étant non spécifique. La seule chose qui le différencierait des autres levures serait sa forme. Or celle-ci est parfois très similaire à celle de Saccharomyces cerevisiae, levure de fermentation.
La technique de choix pour le repérer et le quantifier est dans ce cas la qPCR. C’est la technique la plus « mature » à l’heure actuelle et celle retenue par le LACO. Les autres techniques sur le marché (épifluorescence, cytométrie en flux) sont soit non spécifiques (il est alors considéré que toutes les levures dénombrées sont des Brettanomyces, simplement parce que le prélèvement est réalisé durant l’élevage) soit imprécises (réalisation d’un marquage mais non optimal car pouvant réagir avec d’autres espèces).
La qPCR permettra une numération rapide et précise de Brettanomyces et de statuer sur la contamination. Il est régulièrement pointé du doigt le fait que la qPCR détecte également les cellules mortes. C’est effectivement le cas puisque la détection se base sur l’ADN. Or les cellules mortes contiennent encore leur ADN et la durée avant la lyse cellulaire est encore mal connue. Selon les études réalisées, elle peut varier de quelques semaines à quelques mois.
Fort de ces observations, LACO a décidé d’améliorer sa technique d’analyse par qPCR et travaille à développer une méthode permettant justement d’éliminer les cellules mortes pour apporter une quantification plus proche du risque réel que représente Brettanomyces. Les résultats de ces essais devraient être publiés courant 2018.
L’offre globale du LACO
A chaque situation, il existe une analyse microbiologique adaptée.
L'évolution de l'azote pendant la maturité
I. Notre réseau parcellaire
Les parcelles suivies sont sur deux secteurs : le secteur 5 plus précoce et le secteur 7 plus tardif. Cf. Figure 1.
Figure 1 : Localisation des parcelles
La répartition des parcelles par cépage et par secteur est la suivante :
Grenache | Syrah | Carignan | Mourvèdre | |
Secteur 5 | 22 | 11 | 10 | 3 |
Secteur 7 | 24 | 17 | 5 | 1 |
Vu le petit nombre de parcelles les résultats du mourvèdre ne sont pas présentés ici.
II. L'azote assimilable et méthode d'analyse
Le rôle de l’azote est détaillé dans l’article sur l’azote fermentaire
Le dosage de l’azote assimilable a été réalisé par IRTF, celui-ci a été calibré par la méthode de dosage dite « formol titration ». L’incertitude de mesure est de 50 mg/l. Dans les résultats présentés ici les différences inférieures à 100 mg/l ne sont pas significatives.
- Variations pendant la fin de la maturation et différences entre millésimes :
On constate peu de différences dans les teneurs en azote assimilable au cours des 4 semaines de maturation étudiées (entre le 20 août et le 10 septembre environ). La différence entre les millésimes n’est pas significative, mais on constate cependant que la teneur en azote assimilable des raisins de la récolte 2017, année de sécheresse, a été plus importante surtout comparée à celle du millésime 2015 (Figure 2).
Figure 2 : Variations de l’azote assimilable du 20 août au 10 septembre par millésime entre 2011 et 2017.
Cette différence est également constatée sur les moûts à l’encuvage (Figure 3) (données moyennes sur les échantillons analysés au laboratoire) :
Figure 3 : Teneurs moyennes en azote assimilable dans les raisins et les moûts à l’encuvage de 2011 à 2017.
2. Variations en fonction du cépage et du secteur :
Si on prend les données sur la semaine 36, semaine où le nombre de parcelles analysées est maximal on note peu de différences entre les cépages et les secteurs (Figure 4).
On constate cependant une tendance répétée d’année en année à une plus faible teneur en azote assimilable dans le cépage carignan sur les deux secteurs et moins systématiquement une plus forte teneur sur la syrah (Figure 4).
Figure 4 : Teneurs moyennes en azote assimilable en fonction du cépage, du millésime et du secteur.
3. Azote assimilable total, azote ammoniacal et azote α aminé :
En 2017 nous avons mis en application le dosage par IRTF de l’azote a aminé et de l’azote ammoniacal sur ces parcelles. Figure 5.
Les teneurs ne sont pas significativement différentes d’un secteur à l’autre mais on constate les tendances suivantes :
- la teneur en azote alpha aminé est supérieure à celle de l’azote ammoniacal chez la syrah alors que c’est l’inverse pour le grenache et qu’il y a peu de différence chez le carignan.
- la proportion d’azote a aminé sur les cépages grenache et carignan est plutôt déficitaire (environ 40 à 50%), alors que la syrah présente un profil plus favorable
- la teneur en azote ammoniacal diminue au cours de la maturation, cette diminution est surtout visible à ce stade de la maturité sur le cépage grenache.
Figure 5 : Teneurs moyennes en azote assimilable total, azote ammoniacal et azote α aminé entre le 21 août 2017 et le 11 septembre 2017 en fonction du secteur et du cépage.
Ces deux paramètres seront suivis en 2018 et disponibles également sur moûts (comme l’azote assimilable, la méthode IRTF n’est applicable que sur les échantillons ayant moins de 0.2% d’alcool) permettant d’affiner le diagnostic azoté et de mieux raisonner les apports en azote.
Nous avons représenté pour chacun des millésimes de 2013 à 2017, les teneurs en azote assimilable des moûts des cépages rouges et leurs degrés probables (Figure 6). Cette analyse porte sur 5000 échantillons.
Nous constatons, sur le millésime 2015, la pertinence d’un apport azoté pour éviter les arrêts de fermentation, les teneurs en azote des moûts ayant été faibles alors que les degrés probables étaient élevés. Les autres millésimes présentent un profil azoté moyen, favorable au regard de la moyenne des degrés probables observés, notamment 2017.
Figure 6 : Teneurs en azote assimilables et degrés probables des moûts de cépage rouges de 2013 à 2017.
Paramètres analysés sur un échantillon de moût, non fermenté :
- Degré d’alcool probable
- Acidité totale et pH
- Azote assimilable total
- S02 total
- Potassium
A compter du millésime 2018, LACO vous proposera d’analyser systématiquement l’azote ∝ aminé et l’azote ammoniacal.
Azote Fermentaire
Le pool azoté du raisin est fixé à la véraison. L’azote contenu dans la pulpe ne représente que 20 à 30 % de l’azote total du raisin !! La pellicule et les pépins stockent le reste de l’azote
Conséquence : ce qui veut dire qu’en rouge, l’azote disponible est souvent plus important qu’en blanc et rosé, du fait de la macération fermentaire
(cf « Thiols variétaux – pourquoi de l’azote foliaire « rédigé par le LACO et disponible sur notre site internet : https://www.laco-laboratoire.com/article/thiols-varietaux-pourquoi-de-l-azote-en-pulverisation-foliaire)
Quelle est la forme d’azote disponible ?
L’azote assimilable par la levure comprend une fraction dite organique constituée d’acides aminés de petits peptides et une fraction dite minérale, sous forme d’azote ammoniacal.
Le ratio souvent retenu est d’ 1/3 d’azote minéral et de 2/3 d’azote organique.
Ex : pour fermenter un 14 degré, le profil azoté théorique serait d’environ 60 mg/l d’azote minéral pour 130 mg/l d’ azote a aminé.
Mais attention ces valeurs peuvent varier en fonction des conditions fermentaires : Température (< 15°C ou > 30°C), turbidité NTU < 150, forte exigence nutritionnelle de la levure, …
A quoi sert cet azote ?
Il est incontournable au fonctionnement de la levure. Il agit sur la croissance levurienne et la cinétique de fermentation
- Pendant les 30 à 40 premiers points de densité, l’azote, est nécessaire à la construction des cellules, c’est la phase de croissance des levures
- Après cette phase, l’azote est toujours nécessaire pour relancer l’activité cellulaire mais surtout utile au fonctionnement enzymatique de la levure
Quel est le meilleur moment d’ajout ?
- Si un seul apport d’azote est nécessaire, privilégier l’ajout après une baisse de 30 à 40 points de densité (soit 3 - 4 jours de fermentations)
Pourquoi ? Le milieu est alors très riche en levures mais pauvre en azote. En effet, les levures ont consommé l’azote initial du mout, pour leur multiplication et les levures ont besoin de nutriments à ce stade pour relancer leur activité de synthèse protéiques
- En cas de carence azotée trop forte, l’apport d’azote doit être doublé : un premier ajout quand la densité a baissé de 5 à 10 points et un second apport après 3-4 jours de FA
- L’oxygénation au moment des ajouts de nutriments est impérative, pour la synthèse des facteurs de survie lipidiques
soit 4 minutes d’oxygène /30 hls à 3 bars
Quelles sont les différentes formes d’azote disponibles pour le vinificateur ?
La première forme d’azote est sous forme organique à base de levures inertées. La dose limite légale varie avec la composition du produit; se conformer par conséquent, aux prescriptions du fabriquant. Elle est interdite en Bio.
Ces produits œnologiques sont « des cocktails nutritifs » comprenant ainsi, des sels minéraux, de l’azote minéral, des acides aminés, des peptides complétés par des stérols et des vitamines. Ils contribuent à la synthèse des arômes fermentaires, des rosés et des blancs (réaction de Ehrlich)
Cette forme d’azote est assimilée plus progressivement, elle permet une croissance de la biomasse lente et régulière.
Par conséquent à privilégier au 1/3 tiers de la fermentation (- 30 à - 40 points de densité) après que l’azote minéral du moût ait été consommé. Compte tenu du coût, à orienter vers les vins à plus forte valeur ajoutée. En cas de fortes carences azotées, un premier apport se fera en début de fermentation (- 5 à - 10 points de densité),
La seconde forme d’azote minéral est sous forme de phosphate ou de sulfate diammonique. Ces sels d’ammonium peuvent être mélangés à de la thiamine. Cette forme d’azote donne « le coup de fouet » aux levures elles l’assimilent très rapidement.
Par conséquent, à privilégier en cas de très fortes carences azotées. Cet apport minéral a ainsi pour objectif de compléter, la nutrition organique et ce au 1/3 de la fermentation. Seule la forme phosphate est autorisée en Bio. La dose limite légale est fixée à 100 g/hl.
Paramètres analysés sur un échantillon de moût, non fermenté :
- Degré d’alcool probable
- Acidité totale et pH
- Azote assimilable total
- S02 total
- Potassium
A compter du millésime 2018, LACO vous proposera d’analyser systématiquement l’azote ∝ aminé et l’azote ammoniacal.
Thiols Variétaux - Pourquoi de l'azote en pulvérisation foliaire ?
I. Je souhaite augmenter les notes thiolées de mes vins rosés, quel rôle joue l'azote ?
A. Les thiols, c'est quoi ?
Nous pouvons distinguer trois molécules principales jouant un rôle important dans les notes aromatiques des vins blancs et rosés. Ces molécules sont des thiols.
4MMP : bourgeon de cassis, buis, genêt, <70ng/l,seuil de perception = 0,8 ng/l
3MH : fruit passion, pamplemousse, cassis de certains vins rouges, seuil de perception = 60 ng/l
3MHA : fruit passion, pamplemousse, seuil de perception = 4 ng/l
Source IFV
Les précurseurs inodores contenus dans les raisins sont clivés ou transformés par des enzymes et donnent naissance aux thiols odorants. Selon le cépage et en fonction de la teneur en azote du raisin, la quantité de précurseurs est très variable.
Les Thiols sont donc des molécules soufrées aromatiques dont les teneurs dans les moûts et les vins dépendent de l’Azote et notamment de la pulvérisation foliaire azotée.
B. Facteurs de variation au vignoble
Au vignoble, différents facteurs interviennent pour moduler la quantité de précurseurs aromatiques et donc la teneur en thiols dans le vin final
- Terroir: importance majeure de l’origine des raisins.
- La teneur et la répartition des différents précurseurs dans le raisin dépendent de la variété cultivée. La localisation des précurseurs de thiols dans la pellicule explique ainsi le gain de teneur en thiols lors de macérations préfermentaires.
- Contrainte hydrique (concentration en Cys3MH proportionnelle à la contrainte hydrique mais inversement proportionnelle pour le Cys4MMP).
- Contrainte azotée. La Cystéine, acide aminé liée aux précurseurs, est par définition une molécule azotée. Un manque d’azote influence donc directement la teneur en précurseurs cystéinylés.
- Maturité = accumulation de précurseurs.
C. Facteurs de variation en vinification
- Elaboration du moût
Les précurseurs combinés au soufre sont essentiellement situés dans la pellicule. Ces précurseurs ne sont alors pas oxydables. Les macérations pelliculaires maitrisées permettent d’augmenter la teneur des moûts en précurseurs.
- En fermentation
Les premiers stades de fermentation permettent de libérer les thiols grâce à l’activité β lyase levures Saccharomyces cerevisiae. Les précurseurs passent à l’intérieur de la levure (voie d’entrée des acides aminés) où ils sont transformés en thiols. L’excès d’ammonium (NH4+) réprime (répression catabolique) l’entrée des acides aminés dans la levure et donc perturbe la synthèse des thiols variétaux puisque l’entrée des précurseurs cystéinylés de thiols est ainsi ralentie (Lallemand – Paroles d’expert – les multiples rôles de l’azote durant la fermentation alcoolique)
La température de fermentation joue un rôle important. Il est admis qu’une température de 16°C à 20°C est plus favorable qu’une température plus basse (13°C) de fermentation. Cependant, le rôle de la souche de levure semble plus important.
3. En élevage
Après avoir révélé ces thiols, l’élevage est une phase critique car il s’agit maintenant de les conserver. Or, les thiols sont des molécules sensibles à l’oxydation. Tous les éléments qui permettent de maîtriser les apports d’oxygène dans le vin sont des éléments majeurs de la conservation des thiols du vin (inertage, élevage sur lies, SO2 libre, Glutathion, polyphénols etc..).
I. Fertilisation foliaire d'azote, pourquoi, quand, comment ?
A. Objectifs d'un apport foliaire
Vous souhaitez augmenter l’intensité aromatique de vos rosés ? La pulvérisation foliaire d’azote est une solution à envisager.
De nombreuses études montrent un lien entre la concentration en azote des raisins et donc des moûts et la quantité et typicité des composés aromatiques des vins. La présence de thiols notamment est extrêmement liée en cette teneur en azote.
La pulvérisation d’azote augmente ainsi significativement les fractions ammoniacales et aminées de l’azote assimilable du moût. Cette augmentation de l’azote assimilable des moûts permet ainsi une nette amélioration de la production de thiols. C’est en fait la pulvérisation d’azote combiné à du soufre qui joue un rôle majeur dans l’augmentation des teneurs en thiols des vins puisque la pulvérisation d’azote seul apportera une production plutôt d’acétates et d’alcools supérieurs. (cf. IFV) – (effet technologiques comparés d’une pulvérisation foliaire d’azote à la vigne et d’un ajout de sels ammoniacaux au moût-Frédéric CHARRIER, Aurélie PAIN, Tierry DUFOURCQ, jean-luc BERGER – IFV). La pulvérisation d’Azote+Soufre foliaire permet une meilleure entrée des précurseurs thiolés dans la levure et un meilleur déroulement de l’activité levurienne libératrice de thiols.
L’intérêt de l’apport d’azote foliaire réside aussi dans le fait qu’il n’augmente pas la vigueur de la plante.
B. A quelle dose et quand dois-je faire ma pulvérisation ?
La vigne est une plante dont les besoins en azote restent modérés. L’IFV évalue ces besoins à 20-30 kg/ha/an pour une charge moyenne en raisins.
Les apports sont soit :
- des pulvérisations d’azote (Urée) seul
- des spécialités combinées au soufre élémentaires.
L’azote n’est réellement assimilé par la vigne qu’à partir de la floraison (cf.fertilisation-edu.fr). Aux stades « petit pois » et à la véraison, les besoins en azote de la vigne sont alors au maximum. Positionner le traitement foliaire à ce stade parait être la meilleure solution.
Les études réalisées sur le positionnement de la pulvérisation montrent qu’un traitement qui encadre la véraison est la méthode la plus efficace pour améliorer l’assimilation de cet azote et avoir les meilleurs résultats sur les teneurs dans les moûts. Les traitements se positionnent donc :
- A 20% de véraison
- 7 jours après le traitement initial.
Les études réalisées par l’IFV ont montrées qu’un apport de 10kg d’N/ha permet d’augmenter la teneur en azote assimilable du moût de 50 % à 150 %. Toujours selon l’IFV, pour un objectif de 200 mg/l d’azote assimilable les pulvérisations recommandées sont :
Teneur en azote assimilable du moût | Apport par voie foliaire |
[N]< 80 mg/l | 15 à 20 kg N/ha |
80< [N] > 150 mg/l | 10 à 15 kg N/ha |
[N]> 150 mg/l | 5 à 10 kg N/ha |
Source Vignevin-sudouest
Dans la majorité des cas, le soufre est combiné à l’azote pulvérisé. La dose d’apport optimale est moitié la dose d’azote
Après véraison, les besoins en azote de la plante diminuent. Celle-ci crée même des réserves puisque les apports du sol comblent largement les besoins. Cependant, on sait que lors du cycle suivant, entre le débourrement et le début de la floraison, l'azote nécessaire pour que la plante pousse sera fourni essentiellement par les réserves contenues dans les racines et accumulées à la fin du cycle végétatif précédent. Ainsi, on comprend l'intérêt d’un apport régulier en azote à la parcelle ainsi que l’importance d’avoir un sol riche en matière organique et en activité microbienne pour être certain d’obtenir une minéralisation du sol qui satisfait les besoins de la plante.
Source fertilisation-edu.fr
Cette fertilisation azotée est largement abordée dans l’article «La fertilisation : passons à l’action ! » rédigé par LACO et disponible sur notre site internet :
C. Quelles sont les formes d'azote et laquelle dois-je utiliser pour la pulvérisation foliaire ?
L’azote est un élément largement utilisé dans la fertilisation. Dans le cadre de la vigne, différentes formes existent en fonction de leur utilisation.
La dégradation de grosses molécules contenant de l'azote (protéines issues des tissus végétaux, animaux ou microbiens, molécules des substances humiques) produit de petites molécules de chaînes carbonées et d'acides aminés. L'hydrolyse de ces acides aminés produira des ions inorganiques, qui se retrouvent alors dans la solution du sol plus ou moins facilement absorbés par le système racinaire. On passe ainsi de molécules organiques à des molécules inorganiques dont l’azote minéral. C’est la minéralisation (cf. «La fertilisation : passons à l’action ! » rédigé par LACO et disponible sur notre site internet : https://www.laco-laboratoire.com/article/la-fertilisation-passons-a-l-action).
L’azote minéral se présente en réalité sous trois formes dont une est préférentiellement absorbée par les feuilles de la vigne (Comifer-fiche technique 2012)
- les nitrate NO3 représentent la forme de l’azote minéral majoritairement absorbée par les racines. Cette forme facilement lessivable est donc plus ou moins présente dans le sol suivant la texture de celui-ci et la pluviométrie. Les nitrates pourront être apportés au printemps et de manière plus ou moins proche des périodes de forte absorption (floraison) suivant la texture du sol et la pluviométrie.
- l'azote ammoniacal NH4+, dégradation ultime (ammonification) des molécules organiques représente une forme peu assimilée par la vigne. Cette forme d’azote se retrouve sous forme nitrate grâce aux bactéries du sol (nitrification).
- l'urée CO(NO2)2 est la forme assimilable par les feuilles des végétaux. C’est l’urée qui est utilisée pour la pulvérisation foliaire. Cette forme a essentiellement un intérêt qualitatif puisqu’elle va augmenter la teneur en azote du moût et jouer directement un rôle dans le déroulement de la fermentation et dans le processus de libération d’arômes. Cette forme n’a pas d’effet sur le développement végétatif de la plante et donc sur la vigueur.
L’Urée est couramment combiné au soufre sous forme sulfate d’ammoniaque car plus facilement absorbé par le feuillage. Les études menées par l’IFV montrent un net gain de l’association Urée+ soufre sur la création de thiols comparés à l’Urée seul. (https://www.vignevin-sudouest.com - fiches-pratiques - pulvérisation-azote-foliaire)
III. Quels les paramètres à contrôler sur raisin, moût et vin ?
Pour bénéficier d’un bon développement levurien et ainsi assurer le fonctionnement optimum des levures pour favoriser l’apparition d’arômes, le mieux est de connaitre les teneurs en éléments qui sont essentiels ou au contraire gênants pour le bon fonctionnement des levures.
Ainsi, l’article «Azote Fermentaire» rédigé par LACO et disponible sur notre site internet : https://www.laco-laboratoire.com/article/azote-fermentaire, traite des éléments essentiels à contrôler pour s’assurer d’une fermentation régulière et créatrice d’identité aromatique. Nous citerons par exemple l’Azote assimilable dont l’Azote Aminé que LACO analyse en routine ainsi que l’Azote total qui peut être un bon indicateur de la performance de la fertilisation azotée. Le Cuivre est quant à lui un catalyseur d’oxydation et intervient notamment dans les phénomènes de pertes aromatiques des vins thiolés. D’autres paramètres tels que le TAP, pH, K et même température sont des éléments classiques mais indispensables à suivre.
IV. Conclusion
L’azote joue un rôle essentiel dans le développement aromatique des vins à travers la libération des précurseurs d’arômes tels que les thiols mais aussi en facilitant l’activité levurienne créatrice d’arômes. Si la fertilisation azotée régulière est indispensable au bon fonctionnement de la plante, la pulvérisation foliaire d’azote est une solution technique qui permet la création de vins blancs et rosés aromatiques.
La fertilisation : passons à l'action !
Le sol, qu’est-ce que c’est ?
Le sol est une formation superficielle qui résulte de l’altération de roche par l’eau, l’air et les êtres vivants. C’est un milieu poreux constitué d’une phase liquide, solide (terre, pierres et roches qui constituent la fraction minérale et organique) et gazeuse. Les facteurs influençant la formation du sol sont donc le climat, les organismes vivants, le relief, la géologie et le temps. C’est donc un milieu variable support de la croissance des plantes, organisé, complexe et vivant.
Le sol est un milieu vivant qui abrite une grande diversité d’organismes. Des animaux aux micro-organismes, les espèces qui y vivent sont nombreuses (bactéries, protozoaires, champignons, lombrics, mollusques, mammifères).
C’est un milieu sous contraintes qui s’altère : sous l’effet des conditions météorologiques et notamment des fortes pluies, des particules de terre sont entrainées par gravité sous l’effet de l’eau, c’est l’érosion. Il subit également des altérations chimiques et biologiques qui modifient sa composition. Les processus de gel/dégel, les perturbations mécaniques et biologiques modifient le profil d’un sol.
Pas de sol, pas de vigne !
Le sol constitue un réservoir de biodiversité, il recycle la matière organique et les nutriments, régule le stock et la circulation de l’eau et supporte la production végétale. Les éléments indispensables à la croissance des plantes et à la vie du sol sont l’azote, le potassium, le calcium, phosphore, magnésium et autres oligoéléments. L’azote est le pilier de la synthèse protéique, la photosynthèse, du métabolisme et de la croissance des plantes. Il est absorbé principalement au niveau du système racinaire sous forme d’azote nitrique, NO3- (et dans une proportion inférieure sous forme d’azote ammoniacal, NH4+). La figure 1 rappelle le cycle de l’azote dans le sol.
Figure 1 : le cycle de l'azote (Dréo J.)
La matière organique, à la base de la structure et du fonctionnement d’un sol
La matière organique représente la litière d’un sol, elle est constituée de composés carbonés d’origine végétale et animale. Cette matière organique se divise en deux catégories, jouant des rôles différents (voir figure 2) :
- la matière organique libre, non humique, c’est-à-dire fraîche et peu décomposée (débris végétaux, animaux séparables par action physique). Elle évolue très rapidement (en quelques années) et constitue la matière organique facilement minéralisable du sol.
- la matière organique liée à la fraction minérale, appelée aussi humus (non séparable par des moyens mécaniques). A la différence de la précédente, l’évolution de cette matière organique est très lente (plusieurs dizaines à centaines d’années). L’humus est la fraction stabilisée du sol, qui lui permet d’apporter de la cohésion (d’où la formation de mottes). C’est une partie du sol qui permet également la rétention d’eau et l’adsorption des cations.
- L’humus est donc la partie du sol qui garantit sa stabilité et sa structure. Elle permet d’augmenter la capacité de rétention en eau et de stocker et libérer les éléments minéraux nécessaires à la vie des plantes.
- La matière organique stimule l’activité biologique des sols et donc des micro-organismes. Ces derniers ont un rôle primordial dans les ressources azotées et minérales : en minéralisant la matière organique, ils rendent les éléments minéraux disponibles pour la vigne.
Figure 2 : les matières organiques du sol
Pourtant, en comparaison aux autres activités agricoles (voir figure 3), les sols viticoles sont les moins vivants : leur concentration moyenne en ADN microbien est inférieure aux vergers mais aussi aux sols de monoculture.
Figure 3 : biomasse microbienne moyenne des sols par type d'usage en France métropolitaine
Une bonne structure du sol permet d’augmenter sa résistance vis-à-vis d’agressions physiques : un sol plus riche en matière organique sera moins modifié par le tassement engendré par le passage des engins agricoles, et moins sensible à l’érosion (meilleure agrégation et cohésion).
L’enjeu de conserver un sol vivant et stable
Le sol constitue un milieu de vie peu renouvelable : en effet, la formation de sols est un phénomène continu mais très lent, (un sol de climat tempéré met plusieurs milliers d’années à se mettre en place) qui est donc peu renouvelable à l’échelle d’une vie humaine. Il est donc primordial de l’entretenir et de le protéger.
Face aux problèmes rencontrés sur les parcelles : érosion (déchaussement des ceps et pertes en matières organiques), tassement du sol (problème de prospection racinaire, baisse de vie du sol), ruissellement (perte en sol et éléments nutritifs), sol engorgé en eau (sol tassé qui empêche l’évacuation de l’eau) qui empêche le passage des engins et des traitements, maintenir un taux de matière organique correct dans un sol permettrait de le préserver et de mieux appréhender les aléas climatiques.
Les besoins de la vigne
Les besoins en azote de la vigne sont modestes par rapport à d’autres cultures : ils se situent en moyenne autour de 20/30 kg d’azote par hectare et par an, pour une production d’environ 6-8 T/ha. Ces besoins sont normalement en partie satisfaits par l’azote issu de la minéralisation de la matière organique du sol. Au cours de la saison végétative, la vigne utilise différentes sources d’azote : du débourrement à la floraison, elle puise dans les réserves contenues dans les racines (accumulées en fin de cycle de l’année précédente). Elle absorbe l’azote du sol majoritairement à partir de la floraison. En fin de cycle, la vigne remet en réserve de l’azote.
Le potassium a un rôle physiologique majeur : il joue un rôle dans le transport membranaire et l’équilibrage des charges. Au niveau de la baie de raisin, il permet sa croissance et la translocation des sucres. D’un point de vue œnologique, il a un rôle sur le pH et la sensation de fraîcheur. La vigne en absorbe environ 25 à 70 kg/ha/an.
Le phosphore joue un rôle dans la croissance et la multiplication cellulaire, il est également nécessaire au développement des racines et à la photosynthèse. Les quantités absorbées annuellement par la vigne sont de l’ordre de 3 à 10 kg/ha/an.
Le magnésium est un des constituants majeurs de la chlorophylle, pigment essentiel de la photosynthèse des plantes. Il joue également un rôle dans le métabolisme des sucres et contribue à assurer la stabilité des parois cellulaires. La vigne en absorbe entre 6 et 15 kg/ha/an.
Les oligo-éléments (fer, bore, manganèse, zinc, cuivre) interviennent dans la photosynthèse, la synthèse des protéines et les réactions enzymatiques de la plante. Les quantités absorbées par la vigne se situent entre 0.06 et 0.8 kg/ha/an.
Comment déterminer les besoins en fertilisation de sa vigne ?
La fertilisation d’une vigne se réfléchit sur plusieurs échelles : au regard des objectifs de rendement et de qualité du vin fini, du comportement végétatif (vigueur plus ou moins forte, production), de mode d’entretien du sol (sol nu, désherbage chimique ou mécanique, enherbement) et de la sensibilité aux maladies (déjà forte présence de maladies fongiques ou absence).
Un excès d’apport azoté constitue plusieurs risques : vigueur trop importante, croissance végétative favorisée au détriment de la maturation des baies, tassement du feuillage et sensibilité accrue aux maladies fongiques, diminution de la qualité organoleptique des vins et risque de pollution des eaux par lessivage de l’azote.
En cas de carence, les risques pour la vigne sont : faible vigueur et mauvaise mise en réserve, nanisme des feuilles, chute précoce des feuilles, aoûtement imparfait, diminution de la fermentescibilité des moûts (fiche Martin), baisse de la quantité et de la qualité des raisins, affaiblissement à long terme de la vigne.
Raisonner la fertilisation passe tout d’abord par l’observation du sol, de la vigne et des raisins. Le nombre de rognages par an, le développement fongique, la couleur des fruits, la grosseur des sarments, l’entassement du feuillage, le développement des entre-cœurs sont des indicateurs de la vigueur et du bon fonctionnement de la vigne. Le type de sol (plus ou moins argilo-limoneux) et l’historique de la parcelle sont également des facteurs qui vont influencer la fertilisation.
L’analyse de sol est l’outil incontournable qui permet de débuter le pilotage de la fertilisation. Elle permet de déterminer la granulométrie, le taux de matière organique, pH, calcaire actif et total, indice de pouvoir chlorosant (IPC), capacité d’échange cationique (CEC), cations échangeables et oligo-éléments, biomasse microbienne.
La réalisation de fosses pédologiques n’est pas obligatoire mais conseillée pour comprendre le fonctionnement du sol en son ensemble, et pas seulement en surface. Les fosses permettent de détecter la présence de semelles de labour, d’horizons impénétrables par les racines et la présence de nappe.
Observer et analyser la vigne permet d’apporter des informations sur les différentes carences ou excès en éléments minéraux. L’analyse pétiolaire se pratique à mi-véraison et est la plus adaptée au pilotage de la fertilisation. Elle permet de déterminer les niveaux d’alimentation en potassium, magnésium, calcium, phosphore et en oligo-éléments.
L’analyse des moûts permet d’indiquer le niveau d’azote total et assimilable et de piloter l’alimentation azotée.
Quand intervenir ?
Pour fertiliser une parcelle, trois stratégies sont possibles :
- réaliser une fumure de fond organique et minérale avant plantation
- fertilisation/amendement de conduite sur les deux premières années qui suivent la plantation
- fertilisation de production pour limiter les carences en phase de production de la vigne
Pour réaliser une correction sur une vigne en cours de production et obtenir une action rapide, il est possible de réaliser une fertilisation par pulvérisation foliaire. Cette modalité d’apport est étudiée dans une autre fiche technique (fiche Antoine).
En ce qui concerne la fumure de fond, elle aura lieu en plusieurs temps en fonction des objectifs et des critères à modifier. Le premier critère qui doit être modifié est le pH du sol. En cas de pH trop acide, la première fumure consistera donc à apporter de la chaux plusieurs mois avant l’apport de matière organique. Trois mois minimum avant la plantation, l’apport d’azote, de matières organiques et/ou d’éléments minéraux doit déjà avoir été effectué.
La fertilisation en cours de production a pour but de compenser les pertes en matières organiques et d’apporter des éléments nutritifs. Il est possible d’effectuer un premier passage à l’automne, sous forme de matière organique bien décomposée afin d’entretenir le stock d’humus et d’apporter du potassium. Un deuxième passage entre février et mi-mars sous forme de matière organique azotée permet d’activer la flore microbienne et d’enclencher la minéralisation.
Les différents types de fertilisant
Deux types de matières fertilisantes sont disponibles pour le viticulteur :
- les engrais : matières fertilisantes apportant directement à la vigne les éléments directement utiles à sa nutrition
- les amendements organiques : matières fertilisantes composées principalement de combinaisons carbonées, destinées à l’entretien ou la reconstitution du stock de matière organique du sol et donc à l’amélioration de ses propriétés
Le tableau 1 compare ces deux matières fertilisantes, du point de vue des avantages et inconvénients de chacun.
Tableau 1 : Tableau comparatif entre l'amendement et l'engrais
Les engrais se déclinent sous différentes formes :
- les engrais minéraux ont un effet azote à court terme et engendrent une forte acidification du sol.
- les engrais N-retard, organo-minéraux et organiques sont plus coûteux
Les amendements sont disponibles en différentes catégories :
- sous forme de matières organiques végétales fraîches : ils sont peu coûteux mais sont souvent peu riches en azote et compliqué à épandre. Etant donné qu’ils sont riches en carbone, ils risquent de déclencher une faim d’azote : les champignons et bactéries du sol vont décomposer cette fraction carbonée, mais pour cela ils ont besoin d’azote. Par conséquent, l’azote des plantes n’est momentanément plus disponible pour la vigne.
- les fumiers d’origine animale : ils sont très hétérogènes et d’une composition variable
- compost végétal : ils ont un fort potentiel humique mais libèrent peu d’azote
Bilan
La fertilisation d’une parcelle de vigne doit être réfléchie en fonction de la parcelle, des carences visuelles, des objectifs de production et des observations de terrain. Avant d’apporter de l’engrais, il faut bien vérifier que les problèmes de la vigne ne sont pas dus à un éventuel défaut du sol (trop acide, compact, mauvaise alimentation hydrique, mauvais rapport feuille-fruit). Les engrais agissent rapidement mais à court terme, ils n’ont pas d’action sur la structure du sol. Les amendements agissent à long terme et permettent d’améliorer la vie et la cohésion d’un sol.
Glossaire
Adsorption : c’est un phénomène de surface par lequel des atomes, ions et molécules se fixent sur une surface solide
C E C : Capacité d’Echange Cationique : quantité de cations que le sol peut retenir sur son complexe adsorbant à un pH donné. Il indique la capacité de rétention des éléments nutritifs et donc sa fertilité (Ca++, Mg++, K+…).
Erosion : dégradation du sol par les épisodes pluvieux et le travail mécanisé
Indice de pouvoir chlorosant (IPC): indice calculé pour les plantes sensibles à la chlorose ferrique sur un sol calcaire. Si IPC=0, le risque de chlorose est nul. IPC=100, risque de chlorose très élevé.
Lessivage : transport des éléments du sol (sédiments, matières organiques, engrais, pesticides) par les eaux de surface (pluie)
Micro-organisme : très petit organisme vivant. Ce sont essentiellement des bactéries et des champignons.
Oligo-éléments : éléments minéraux présents en très petite quantité et indispensables au fonctionnement de l’organisme
Protozoaires : eucaryote unicellulaire hétérotrophe mobile
Ruissellement : écoulement des eaux à la surface du sol (contraire à l’infiltration)
Références bibliographiques
Guilbault P. (2011). Avantages et inconvénients des différentes formes d’azote apportées au sol en viticulture. L’azote : un élément clé en viticulture et œnologie. Chambre d’agriculture Gironde.
Institut rhodanien (2003). Guide de la fertilisation raisonnée. Vignobles de la vallée du Rhône.
ITV France. Fiche 3 : la matière organique. Fertilisation de la vigne, un point sur les préconisations.
Joubert N. (2012). Fertilisation en viticulture. Les sols vivants bio. Chambre d’agriculture Provence Alpes Côte d’Azur.
Rousseau J., Auge G., Leclerc B., Mallet O., Rieux J.-M., Guerber M., L’Helgoualch E., Warlop F.. Choix des amendements organiques en viticulture. ITAB.